Un portrait qu’est-ce que c’est ? Pour moi, en tant que photographe, un portrait est une image d’une personne, le plus souvent seule, focalisant souvent sur son visage, parfois son regard et le plus souvent exprimant un sentiment, une sensation, un caractère, un particularisme… Tout comme en peinture, le portrait photographique est le résultat d’une interaction entre le photographe et son sujet.
Dans son fameux ouvrage La chambre claire *, Roland Barthes explique, du point de vue du sujet : « Le Photo-portrait est un champ clos de forces. Quatre imaginaires s’y croisent, s’y affrontent, s’y déforment. Devant l’objectif, je suis à la fois : celui que je me crois, celui que je voudrais qu’on me croie, celui que le photographe me croit et celui dont il se sert pour exhiber son art.»
En tant que photographe, quand je réalise un portrait, je rencontre deux, voire trois types de situations qui requièrent pour moi différentes manières de faire.
Le premier cas est celui du portrait que l’on pourrait dire « classique », c’est-à-dire du portrait posé dont l’archétype est celui des mythiques studios Harcourt. Le sujet y est porteur d’une demande précise, d’une attente plus ou moins explicitée. C’est, par exemple, le cas des portraits de comédiens que j’ai pu réaliser pour les besoins de leur press-book. Pour rependre les termes de Roland Barthes, répondre à une telle demande suppose de faire converger celui que le sujet voudrait qu’on le croie avec mon propre imaginaire de photographe.
Une variante de ce portrait posé est celle induite par ma propre demande, vers lesquels nos deux imaginaires sont supposés converger. C’est le portrait mis en scène dans lequel le sujet reçoit de ma part des instructions quant à sa posture, son attitude corporelle, l’expression de son visage. Sujet qui n’est toutefois pas totalement passif, à la fois par son interprétation de mes consignes et par ce qu’il peut lui-même proposer. Et le plus souvent, c’est dans la spontanéité d’un mouvement, d’une expression ou d’une attitude que je vais saisir l’image recherchée. La photographie de mode constitue un extrême de ce type de portrait.
Le troisième type de portraits regroupe à la fois celui de familiers dans un épisode de la vie quotidienne ou d’inconnus croisés au cours d’une rencontre éphémère, portraits happés que l’on pourrait qualifier de portraits instantanés. Plus près de la photographie de rue, ils ne peuvent néanmoins se réduire à une seule rencontre heureuse du photographe à son sujet, au cours de laquelle le photographe ne serait qu’un technicien éclairé guettant « l’instant décisif ». Tout autant que le portrait mis en scène, le portrait instantané est porteur de ce que Alain Bergala ** nomme « l’absence du photographe », cette part de lui-même dont il cherche à laisser la trace dans ses images.
On dit souvent que les images expriment ce que l’on ne sait pas dire avec des mots. Pour moi qui aime tout autant manier les images que les mots, la photographie est une forme de langage différente de l’écriture. Et pour ce qui est plus particulièrement du portrait, le sujet étant une personne, la rencontre, l’interaction que la prise de vue suscite génère en moi une émotion, fût-elle fugitive, qui s’incruste dans ma photographie.
* Roland Barthes, « La chambre claire », Cahiers du cinéma, Gallimard, Seuil, Paris 1980, p.29.
** Raymond Depardon « Correspondance new-yorkaise », Alain Bergala « Les absences du photographe », Écrits sur l’image, Libération / Éditions de l’Étoile, Paris, 1981.
Ci-dessous, je vous propose un échantillon de ce que j'ai pu faire dans ce genre, dans les différents types de portraits.
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